Ecole maternelle et sociétés

Publié le : 24 janvier 201916 mins de lecture

L’école maternelle au singulier est un terme générique qui recouvre en fait un pluriel : presque autant d’écoles que de sociétés qui les secrètent. Cette forme plurielle tient compte de la diversité des situations locales, des intentions des décideurs en matière d’éducation, des idéologies qui orientent ces intentions, des moyens financiers disponibles, maintenant et dans les années à venir. L’école pour les jeunes enfants peut être considérée isolément en raison des spécificités propres à l’âge tendre de la vie, mais elle s’inscrit également dans une perspective d’information, d’éducation et de formation tout au long de la vie.

Nous autres européens sommes nombreux à avoir dans nos pays une “ première école ” pour nos enfants de 2/3 à 5/6 ans. Il s’agit d’institutions qui prennent des noms variés, école maternelle, jardin d’enfants, école préscolaire, pré-primaire, classes enfantines parfois même crèches lorsqu’elles reçoivent des petits dès la première année de la vie. Mais un vaste tour d’horizon sur le monde fait apparaître d’immenses zones d’ombre. Rappelons quelques données chiffrées Nombre de pays dans le monde : 200 Population du monde : 6 milliards d’individus inégalement répartis sur le globe. La moitié de l’humanité est concentrée dans l’Asie des moussons.

Le taux de croissance annuel de la population reflète la stagnation, voire le déclin des pays les plus développés. Au 20ième siècle, l’accroissement de la population s’est concentré dans les villes. Au sein des 280 agglomérations qui comptent plus d’un million d’habitants, 26 mégapoles dont 13 en Asie regroupent chacune plus de 7 millions d’humains. La croissance de ces grandes agglomérations ralentit dans les pays industrialisés, en revanche, l’explosion urbaine des pays en voie de développement est à peine entamée depuis deux décennies. Les villes tentaculaires d’Asie et, dans une moindre mesure celles d’Afrique et d’Amérique latine, posent de redoutables questions d’aménagements à des Etats démunis en moyens financiers et techniques. Les Nations Unies estiment que d’ici l’an 2030, plus de 56 % de la population du monde en développement vivra dans les villes.

Montant des dépenses éducatives dans le monde : 2000 milliards de dollars (un peu moins d’euros) Nombre de femmes analphabètes : 293 millions Nombre d’enfants privés d’éducation primaire : 19 millions (au moins) Mais n’accordons à ces données qu’une valeur relative en raison des évolutions rapides. Elles peuvent aussi se trouver invalidées par d’autres sources.

Une classification des pays fournie par l’UNESCO

Les statistiques de l’UNESCO concernant l’éducation des jeunes enfants de moins de 6 ans sont très approximatives : la fourchette d’estimation est de 1/6 à 1/10 d’enfants à peine qui fréquentent une institution scolaire. Ces enfants favorisés se trouvent dans ce qu’on appelle les pays développés : Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Australie, Japon et Nouvelle Zélande. Les autres demeurent dans les pays en développement : Afrique subsaharienne, Amérique latine et Caraïbes, Asie de l’Est et Pacifique (moins Australie, Japon et Nouvelle Zélande), Asie occidentale et du Sud, Etats arabes et Afrique du Nord, et les pays en transition : Asie centrale (moins la Mongolie), Europe centrale et de l’Est (moins la Turquie).

L’Education non formelle

L’Education non formelle est celle qui ne se donne pas dans les institutions . Je ne dis pas qu’elle lui est opposée, c’est tout simplement celle qui se développe là où les institutions n’existent pas, ou sont peu nombreuses, et à titre payant.

Les enfants, quand ils ne sont pas livrés à eux-mêmes, reçoivent donc, dans les pays en développement, une éducation non formelle assurée par des Organisations Non Gouvernementales, des institutions religieuses, des groupements d’entreprises, des villages ou des communautés. Il importe de reconnaître la famille en tant que telle, son rôle unique dans la conception, dans l’éducation des enfants et la nécessité d’en faire un partenaire à part entière. Précisons que la famille revêt de multiples aspects, de la famille monoparentale à la famille éclatée ou nucléaire en passant par la famille élargie aux ascendants et à tous les collatéraux, et à celle où la polygamie reste une pratique traditionnelle. Mais la plupart des familles d’enfants pauvres et même exclus appartiennent à une communauté. La communauté secrète ses propres structures au même titre que les Enfants des Rues génèrent les leurs, bien fragiles au demeurant. Les enfants des rues ont en fait entre 5 et 12 ans mais parfois les petits de 3 à 5 ans essaient de suivre leurs frères, et leurs sœurs.

Programmes d’aide aux parents

Des programmes d’aide interviennent alors et réussissent lorsqu’ils se déroulent avec la participation pleine et entière des parents. L’Education parentale devient un volet incontournable de l’approche intégrée pour le développement du jeune enfant. Des ONG font avec l’UNICEF et avec la Section “ Petite enfance et Education familiale ” de l’UNESCO un travail remarquable dans cette direction inséparable de l’éducation du jeune enfant.

L’Education Pour Tous (EPT)

L’Education Pour Tous est un défi. Depuis la Conférence mondiale de Jomtien (Thaïlande) en 1990, les 190 Etats membres des Nations Unies se sont engagés à donner une éducation de base à tous les enfants du monde pour l’année 2000. Ils avaient fait au préalable une déclaration forte : “ l’éducation commence à la naissance ”.

Le Forum de Dakar en l’an 2000 a fait un constat d’échec en matière d’alphabétisation. Les pessimistes diront que rien n’a été fait depuis Dakar. C’est faux. Pour avoir assisté, récemment, à un Séminaire à l’UNESCO (Secteur Petite enfance et Education familiale) je peux vous dire que les choses bougent en matière de Petite enfance et d’éducation parentale. On n’a pas oublié de rappeler le pourcentage énorme, 40 % d’enfants qui meurent du Sida en Afrique du Sud mais la campagne d’information pour intégrer les enfants sidéiques porte ses fruits. Il en est de même des enfants handicapés qu’on ne considère plus comme des exclus.

Les grands courants mondiaux de l’éducation pré-élémentaire dans les institutions Il y a encore une quinzaine d’années, on avait tendance à distinguer trois grands courants :

– CARE and EDUCATION, deux notions insécables qui n’en font qu’une. C’est le modèle britannique qui continue à s’imposer mais les termes ont été inversés, EDUCATION and CARE, mettant l’accent sur l’Education étant donné que la population concernée s’est élargie et ne concerne plus seulement les enfants défavorisés ou à besoins spéciaux. Les chercheurs anglophones misent sur le substantif Educare (l’équivalent français “ édu-soins ” n’est pas pris en compte).

– Le KINDERGARTEN sur le modèle allemand, un jardin d’enfants généralement dirigé par une personne de sexe féminin qui soigne l’accueil du jeune enfant, la propreté de son établissement et la bonne tenue des petits. Des jouets nombreux et de différents types, inspirés de Fröbel, sont mis à disposition. Un personnel attentif est essentiellement chargé de la surveillance et encourage au jeu.. Une relative liberté est laissée afin que les découvertes, les expériences, les essais et les erreurs puissent être favorisés comme le jeu lui-même dans lequel chacun trouve son compte. Quelques moments collectifs avec des rondes, des chansons, des berceuses pour les plus jeunes et des histoires racontées aux plus grands. Des rudiments d’activités manuelles et graphiques.

– Le troisième prototype est celui de la France, l’école maternelle qui a succédé en 1886 aux salles d’asile. Pauline Kergomard veut que l’école des petits soit appelée école pour bien signifier qu’elle l’a chargée de l’éducation de ces petits et pas seulement de l’assistance à leur misère. Au fil des années, cette école a fait son miel des apports des grands psychologues et pédagogues européens, des médecins du jeune âge. Essentiellement fondée sur la croissance, considérable entre 2 et 6 ans, le développement physique, mental, affectif qui ne connaîtra le même essor qu’à l’âge de l’adolescence, la pédagogie, tout en restant globale, s’exerce dans différents domaines, répondant aux besoins et aux possibilités de cette “ deuxième enfance ”, la première étant celle de 0 à 2 ans. Pour l’enfant très jeune, l’action majeure est confondue avec le jeu lui-même, mais peu à peu s’introduisent des activités à allure ludique avec cependant un enjeu, une visée motrice, rythmique, spatiale, temporelle, plastique, picturale, graphique, le plus souvent socialisante et langagière. Sensorialité, perception, concentration, mémoire, imagination, intelligence par l’établissement de rapports et la recherche de solutions à des problèmes sont régulièrement et fréquemment sollicités. L’enfant est amené à construire sa personnalité, ses compétences tout en enrichissant ses connaissances. Un personnel formé, qualifié, dévoué fait connaître à cette école maternelle des années de gloire. Le succès de l’école maternelle française et son extension sont en partie dus à une organisation relevant de l’Education Nationale, fortement centralisée et hiérarchisée.

Mais, pour des raisons d’économie, le législateur a voulu renforcer dans les années 80 la notion d’ “ école ” et inclure l’école maternelle dans l’école primaire (école maternelle et école élémentaire constituent désormais l’école primaire). Cette situation équivoque fait perdre insidieusement à l’école maternelle sa spécificité. La notion d’apprentissage entre en force : “ cycle des apprentissages premiers ” pour les 2 à 6 ans mais également “ cycle des apprentissages fondamentaux pour les 5 à 8, ce qui entraîne bien des ambiguïtés voulues ou involontaires. La formation des maîtres change de lieu – elle gagne formellement l’Université – et la formation maternelle promise à l’ensemble des Professeurs des Ecoles (élevés à l’indice des Professeurs des Collèges) devient rare. La psychologie de l’enfant n’est pratiquement plus enseignée sauf dans quelques Instituts privilégiés, et les domaines, comme les méthodes, particuliers à l’école maternelle ne sont abordés qu’au cours des stages pratiques dans les écoles. Cette absence de formation du haut en bas de la hiérarchie a un effet désastreux au bout de quelques années. Alors, on se rabat sur le “ lire, écrire et compter ” précoce qu’on croit pouvoir enseigner puisqu’on sait le pratiquer. De préférence, et fréquemment sous la pression des parents, à 3 ans pour que le petit ne prenne pas de retard !

Atténuons tout de même ce tableau bien terne en précisant que les dernières Instructions officielles devant être appliquées en septembre 2002 ont réhabilité le jeu et le théâtre à l’école maternelle.

– C’est ainsi qu’un quatrième courant est né dans le monde partout où la formation spécifique n’est pas assurée. L’école pré-élémentaire, orientée exclusivement sur l’acquisition des connaissances, ne vise qu’à INCULQUER des CONNAISSANCES de bonne heure. Ainsi, les formes, les couleurs, les chiffres et les lettres enseignés d’une façon répétitive et systématique constitue, avec le sport, le programme des 4 à 5 ans des écoles anglaises des Emirats. C’est aussi “ l’école parcoeurisée ” comme on l’appelle à Saint-Louis du Sénégal, c’est-à-dire où tout est appris par cœur. Une jeune femme est venue me trouver l’an dernier pour l’aider à fonder avec son mari, président d’une association sportive, “ une école maternelle pour comprendre ”. Ces écoles où les petits étaient de simples exécutants, passifs et dociles, lui devenaient insupportables.

Ces quatre courants, décrits pour les besoins de l’analyse et par respect pour leur histoire, se présentent rarement, en réalité, aujourd’hui, à l’état pur. Les voyages, les visites, les rencontres, les publications ont influencé les acteurs des institutions comme les décideurs des Etats, et des emprunts, des glissements, se sont opérés ici et là dans le monde. Nous assistons actuellement à une accélération de ce phénomène. Osons dire, modestement, que l’OMEP y a contribué puisque, sans faire de bruit mais toujours avec la même constance et le même engagement, elle colporte dans ses rencontres internationales, ses journaux et maintenant ses sites Internet des exemples de réussites qu’on a envie de s’approprier. Dans certains pays, elle œuvre près du Ministère de l’Education et joue un rôle important en matière de politique préscolaire.

Quelques exemples significatifs et pertinents de ces différents courants Néanmoins, les sociétés n’ont pas adopté par hasard tel type de structure pré-élémentaire visant tels objectifs avec tels contenus. La culture, l’environnement, le poids des traditions, les choix politiques sont à prendre en compte. Selon que la prise en charge des jeunes enfants relève du ministère de l’Education ou du ministère de la Santé ou des Affaires sociales ou encore de la Famille, l’accent sera mis sur l’accueil et le soin, en fait sur la garde comme le montre le graphique ou sur l’éducation qui peut devenir l’enseignement.

La Grande-Bretagne a laissé sa marque dans son ancien empire colonial et on ne sera pas étonné de retrouver, ici ou là, le modèle britannique comme à Singapour, en Afrique du Sud, au Nigéria ou en Inde. L’esprit de l’école maternelle française a inspiré par proximité et par culture la Belgique, le Portugal, l’Italie, une partie de la Suisse, l’Espagne. (Je ne prendrai pas le risque de commenter l’éducation préscolaire en Espagne, ici, mais je salue la formation spécifique des enseignants du préscolaire).

Passer un séjour linguistique avec une famille anglaise en France
Aide à l’adaptation et l’intégration d’un enfant mordeur en école maternelle

Plan du site